Her, Spike Jonze, 2014



Difficile de tirer de ce pitch - dans un futur proche, un homme tombe amoureux d’un système d’exploitation - un bon film.
Spike Jonze, en bon spécialiste des scénars tordus ( Dans la peau de John Malkovitch, Adaptation ) s’y colle quand même, et on peut lui reconnaître cette audace. 


Il crée un univers assez intéressant, un futur proche possible, poussant à son paroxysme notre tendance à nous créer des ersatz numériques pour pallier notre incapacité à communiquer; lesdits ersatz, au lieu de nous rapprocher, ayant plutôt tendance à nous isoler. ( Univers qui rappelle un peu, en moins visionnaire, le superbe Kairo de Kiyoshi Kurosawa )

Pour ça, Spike Jonze "choisit" (en fait, il n’a pas vraiment le choix), de coller aux basques de son personnage principal incarné par Joaquin Phoenix. Ce point de vue totalement subjectif était nécessaire pour qu’on marche ne serait-ce qu’un peu dans cette histoire. Il faut aussi un excellent acteur pour qu’on partage le moindre de ses doutes, de ses sentiments, et Joaquin Phoenix fait le boulot, filmé constamment de très près.



Tout ça est là, et pourtant le film est un peu décevant. Par moments il est vrai assez bluffant, il se révèle à mon avis assez inégal, certaines situations me faisant complètement sortir de cette histoire. J’ai donc été rarement touché, ce qui est un comble vu l’armada mélancolique que déploie Spike Jonze : musique omniprésente, souvenirs silencieux en cut brefs, etc... En partie d’ailleurs parce que cette armada très “indé américain”, on commence à la connaître. Sur le style, on a un peu l’impression de revoir Lost In Translation ou Eternal Sunshine of the Spotless Mind (moins).

Sur le fond, il me semble aussi qu’il y a de gros problèmes. Le film n’aborde que de manière très superficielle cette relation avec une IA. Jonze occulte tout ce qui empêcherait cette histoire de nous toucher. Par exemple, cette IA, dont on essaie de nous faire tomber amoureux, ne se pose aucune question sur sa propre existence. Comment tomber amoureux sans exister? En fait, cette IA pourrait aussi bien être le fruit de l’imagination du héros, mais ce n’est jamais non plus exploité.

La relation avec le personnage de Phoenix est en fait assez malsaine à mon sens, mais n’est que rarement montrée comme telle : il l’a achetée, l’a installée, peut la débrancher dès qu’il le souhaite. Pour rester mignon, on occulte tout ce qui dérange, et tout ce qui fait la difficulté (et la beauté) d'une vraie relation.

Ceci étant dit, c’est un film intéressant, qui contient de bons moments, mais qui ne s’élève que trop rarement, peut-être écrasé par son pitch et les attentes qu’il crée.

4 commentaires :

  1. Ah, je peux m'exercer à mon exercice favori : critiquer un film que je n'ai pas vu.

    Un IA, en relation avec des humains, et on étudie les relations entre eux, comment une machine peut avoir des sentiments, comment tout ça peut s’orchestrer, et comment c'est possible.

    Ce n'est pas un terrain méga-balisé par Kubrik et HAL ? Ça m'étonne que tu n'y es pas fait référence, d'ailleurs. Mais tu m'as donné un peu envie de le voir :).

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  2. Oui, le thème fait penser à Kubrik ou à Blade Runner (j'ai plus pensé à Blade Runner à cause de la romance). Chez "Il a osé" (liens à droite), 2001 a été cité ( article que je recommande d'ailleurs)
    Je trouve que Her ne gagne pas à être comparé à un truc aussi sublime et intelligent que 2001, c'est un peu pour ça que j'évite. Et il n'a pas du tout cette ambition.
    En plus, je trouve que c'est vraiment différent, là où Spike Jonze parvient parfois à nous sidérer c'est par l'immédiateté de ce futur, et le rapprochement qu'on peut faire avec le présent.
    D'autre part, le discours de Spike Jonze repose autant sur les relations de couple et la solitude que sur l'aspect SF pure.

    Plus j'y pense et plus je trouve ce film tout de même assez fascinant, il provoque je trouve des discussions passionnantes. J'avoue qu'il me hante un peu, malgré les réserves que j'émets dans l'article.
    En gros, j'ai hâte que plein de gens l'aient vu pour confronter mon opinion. La lecture de l'article chez "il a osé" m'a fait du bien tellement elle relève plein de détails très intelligents du film que je n'avais pas forcément remarqué, trop occupé à être frustré :-)

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  3. ( et moi non plus j'ai pas vu le film, je suis un escroc. J'ai vu aucun film d'ailleurs )

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  4. On peut le rapprocher de la série Real Humans, aussi. Qui aborde un peu les mêmes thèmes (des vies artificielles qui voudraient "exister", et qui entretiennent des relations complexes avec des humains).

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