Real, Kiyoshi Kurosawa, 2014


Coucou! Hihihi.

Un appareillage technologique permet à un jeune homme de se connecter mentalement au subconscient de sa fiancée, dessinatrice de manga plongée dans le coma.
Dès le titre et cette accroche, la curiosité est éveillée et on se pense sur un terrain assez connu si on a lu des bouquins de Philip K.Dick. C'est bien ce terrain qu'explore Kurosawa, un territoire mental permettant de questionner sans arrêt le spectateur sur la réalité de ce qui est montré, voire de la segmenter en "niveaux" de réalités imbriquées.

On pense évidemment à Inception, et c'est très intéressant de voir les manières opposées qu'ont les deux auteurs de déambuler sur ce terrain de jeu. Contrairement à Nolan, Kurosawa semble peu soucieux de nous informer des règles qui régissent cet univers, par nature complètement instable, et préfère nous surprendre (on apprécie). C'est l'occasion pour lui de donner libre cours à sa superbe imagination visuelle, sa manière si créative de créer des êtres étranges, flous, gommés, en décalage, ou au contraire trop nets et figés : des fantômes, des souvenirs, des "zombies philosophiques", comme ils sont appelés dans le film.


Le pilier central de l'appartement sépare souvent les deux amants, ils sont dans des vignettes, deux mondes différents

Comme Kurosawa est intelligent, il utilise des idées de BD, puisque nous sommes dans la tête d'une dessinatrice de manga. Il le fait de manière assez fine, souvent avec comme seule arme la composition de ses plans, enfermant parfois ces personnages dans des vignettes à l'intérieur du plan, traçant des lignes et des démarcations, soulignant comme souvent chez lui l'absence de "contact" entre les personnages. "Contact", c'est aussi le nom donné aux connexions mentales auxquelles se prête le personnage principal.

Il va même jusqu'à "gommer" son image et nous offre des trésors visuels comme ce superbe plan où une ville perd peu à peu sa couleur, volutes se dissolvant en spirale vers un ciel sombre. Kurosawa expérimente beaucoup dans ce domaine, et continue aussi son travail sur la confrontation de plusieurs "régimes d'image", des plans video basse définition faisant parfois brutalement irruption.


Bon, là c'est illisible, mais au cinoche, ça marche, je vous jure

Comme souvent chez Kurosawa, il est question de culpabilité. Une des métaphores pour la représenter (je ne vous dévoile pas la plus "évidente", à la fois classique et surprenante) que je trouve superbe, c'est cette corde, cette ficelle qui retient votre jambe, cette saloperie qui vous empêche d'avancer, de vous en sortir. Malgré la gravité du propos, c'est plutôt un film ludique, décomplexé dans lequel l'auteur se permet de mixer les genres, de malmener aussi la linéarité du scénario.

Malgré toutes ces qualités indéniables, le film peine parfois à nous passionner, le rythme est assez languissant, et les multiples "connexions" donnent un aspect répétitif et haché à l'ensemble. Peut-être aurait-il fallu rendre plus poreuse encore la frontière entre les "mondes", nous désorienter sans arrêt?

Quoi qu'il en soit, ça reste, comme tous les films de Kurosawa, très créatif, il est très intéressant de voir comment il s'approprie ce genre d'exercice et crée sa propre identité visuelle, sans rapport avec ceux qui l'ont précédé (Cronenberg, Nolan, Cameron...)

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